Rêve à la nuit 9

Texte et photographie de Laurence Bouvet

 

 

 

« J’avais 13 ans, c’était en 1979. J’ai retrouvé 25 ans après le mur et nos initiales gravées dans la craie. Rien n’a bougé. C’est dans le village de l’enfance. Il s’appelle Frédéric. Il est d’origine italienne. Des points de rousseur sur les joues. Les yeux bleus. C’est le premier baiser. Le premier chagrin. Nos deux coeurs croisés BL/BF, 1979, 13 ans, l’été à vélo, la cabane près du pont, les pétards du 14 juillet dans la boîte à lettres du voisin, la nuit sur un chemin, les fraises au vin, la maison en chantier, l’escalier qui s’écroule, le mur de craie dans la ruelle, la craie tendre où s’enfonce une pierre saillante, l’impression de commettre un crime, que l’on va se faire prendre, la sueur au front, il fait chaud, c’est l’été 79, nous avons 13 ans, la campagne est autour, le vent du soir est un air que nous respirons près de la fosse commune, dans le cimetière du village des copains nous précèdent, c’est pour la peur, c’est pour grandir, c’est la fin du mois d’août, nous ne nous reverrons plus. Nos initiales gravées sont plus anciennes que nous, elles vivront plus longtemps que nos souvenirs. »

Laurence Bouvet, Gisors, le 1er octobre 2017.