Nuit brisée

Tes yeux de laine et de limons épandent des bruits d’eaux prénatales.

Photo réalisée à Paley Park, New York 2010

Nuit brisée, d’âmes grises, de corps doubles, endoloris de songes, au point du jour.
Le vent ancien dans le feuillage, vert pâli de la sève, le cœur enflé au fond des eaux, comme un nageur dans l’ombre.
Et la pierre pétrie de la main pauvre, et des doigts jaunes des voyages, du tabac blond des Indes pires.
Tes yeux de laine et de limons épandent des bruits d’eaux prénatales. S’ils s’ouvrent au monde, une lueur bleue météore les blesse.
Tu saignes de cécité, de pleurs rivaux, je guide ton errance sertie de sable rouge.
Nuages, et ton corps est un début de désert gris de peau, mué d’ossements de bêtes ancestrales.

Une éclipse d’oiseaux devient le vert présage de tes verdures futures ; et les cieux sont couverts aux confins étoilés…
Dieu poudroie.
Je suis bénie d’arroche et de tombeaux, afin que naissent en toi, blessé, l’imperfection, et l’agonie, le cri gemmé de la nature ;

afin que s’éprenne l’eau de ton visage…
ébauche d’une bouche au béant de la source.

Béatrice Douvre