Chemins

chemins

Un poème naît des pressions de la lumière et de l’ombre pour devenir un espace que l’on traverse : en même temps une mouvance et un lieu. Les mots sont les meubles de cette chambre invisible, on les place devant le feu ou près d’une fenêtre à contre-jour.

Pour habiter il faut sentir les distances et regarder dans les miroirs où le dehors est aussi dedans.

Le travail se fait entre le noir d’une écoute et la clarté d’un appel dans la nécessité absolue d’approcher les réponses qui révèlent les questions. Quand le poème est fermé et ouvert, quelque chose respire.
Il s’agit moins d’illustrer une démarche que de cerner un regard.

Nous écrivons souvent par les interstices dans les œuvres des autres. Aussi bien celles d’un peintre ou d’un musicien que d’un écrivain.

« La mise au clair du monde dans son resplendissement d’or » (Heidegger), la chambre avec lumière « pareille à un cube d’argent évidé » de Musil, ou « l’art de passer les eaux sous la lumière feue » du nocher de Jouve.

Mais aussi : les murs éblouis de Morandi dans les collines de Grizzana, les doigts du soleil posés sur une nappe par Bonnard, les brisures du ciel que sont les femmes bleues de Matisse. Et en musique, certains intermezzi de Brahms, la sonate opus III de Beethoven, les chants de l’aube de Schumann.

Des présences dont la grandeur tient dans la douceur mortelle de leur effacement.

Heather Dohollau