L’aurais-tu dit là-bas

L’aurais-tu dit là-bas
où les ombres étaient squelettes
le battement dans les oreilles tambours
le souffle lourdes respirations étrangères
au pas inaccoutumé des ténèbres
que plus tu ne savais comprendre

l’aurais-tu dit dans la rouge prison
qu’un jour tu aurais à nouveau traversé
la frontière interdite de ton quartier
que les maisons auraient enfin cessé
de vaciller l’asphalte de se noyer ;

l’aurais-tu dit là-bas
que le monde aurait surgi encore
du plus profond que tu aurais appris
le braille rapide de la lumière
sur la feuille aplanie du jour,

la graphie serrée des hampes incarnées
sous la peau froide de la paume
les verges et les cercles de l’écorce
muets et antiques le long du dos

— tandis que l’herbe s’incline
au vent en révérence
le reflet du pont se cambre
dans le lac défait par le soleil —

l’aurais-tu jamais dit sous l’eau
que l’eau t’aurait rendue
et dans l’hiver tu te serais trouvée
sur la rive debout à la regarder…

Chiara De Luca