Destinée arbitraire

Entré dans la clandestinité sous l’Occupation, Robert Desnos est arrêté le 22 février 1944 par la Gestapo et jeté dans le camp d’internement de Royallieu, à Compiègne. Il y rédige une ébauche de ce qui deviendra le sonnet intitulé « Printemps ».

PRINTEMPS

Tu, Rrose Sélavy, hors de ces bornes erres
Dans un printemps en proie aux sueurs de l’amour,
Aux parfums de la rose éclose aux murs des tours,
à la fermentation des eaux et de la terre

Sanglant, la rose au flanc, le danseur, corps de pierre
Paraît sur le théâtre au milieu des labours,
Un peuple de muets d’aveugles et de sourds
applaudira sa danse et sa mort printanière.

C’est dit. Mais la parole inscrite dans la suie
S’efface au gré des vents sous les doigts de la pluie
Pourtant nous l’entendons et lui obéissons.

Au lavoir où l’eau coule un nuage simule
A la fois le savon, la tempête et recule
l’instant où le soleil fleurira les buissons.

Desnos
6.4.44

19 rue Mazarine Paris VI

Robert DesnosDestinée arbitraire,