ÉTHIQUE-ESTHÉTIQUE

JAN
26
2010

LABYRINTHE

LE LABYRINTHE THEME BORGESIEN

« Un homme fait le projet de dessiner le Monde. Les années passent : il peuple une surface d’images de provinces, de royaumes, de montagnes, de golfes, de navires, d’îles, de poissons, de maisons, d’instruments, d’astres, de chevaux, de gens. Peu avant sa mort, il s’aperçoit que ce patient labyrinthe de formes n’est rien d’autre que son portrait. »
Jorge Luis Borges

DES MOTS DE JORGE LUIS BORGES

« … Les hommes dignes de foi racontent qu’en les premiers jours du monde, il y eut un roi des îles de Babylone qui réunit ses Architectes et ses mages et qui leur ordonna de construire un labyrinthe… Qui sait si un archétype non encore révélé aux hommes, un objet éternel, ne pénètre pas lentement dans le monde ? Sa première manifestation fut le palais ; la seconde, le poème. Qui les aurait comparés aurait vu qu’ils étaient essentiellement identiques… Ils laissèrent derrière eux, en vaste perspective, les premières terrasses occidentales qui, comme les gradins d’un amphithéâtre difficile à limiter, descendaient doucement vers un paradis ou un jardin. Les miroirs de métal et le réseau des haies de genévriers préfiguraient déjà le labyrinthe… Au début, ils s’y perdirent avec plaisir, comme s’ils s’abandonnaient à quelque jeu. Ensuite, non sans inquiétude, parce que les avenues rectilignes étaient affectées d’une courbure insensible, quoique continue, en sorte qu’elles étaient secrètement circulaires, ils gravirent lentement les collines sablonneuses. Là enfin, ils étaient parvenus à proximité du labyrinthe. Celui-ci leur apparut alors comme une paroi rectiligne et presque interminable, construite en brique, sans revêtement, à peine plus haute qu’un homme. Ils affirmèrent qu’elles étaient de forme circulaire, mais que le rayon en était si vaste que la courbure devenait imperceptible… Ils parcoururent des antichambres, des cours, des bibliothèques, une salle hexagonale avec clepsydre. Ils traversèrent, dans des barques de santal, de nombreux fleuves resplendissants où nombre de fois un même fleuve. Leurs yeux virent avec indifférence de noires chevelures, des danses noires, des masques d’or compliqués. La réalité se confondait avec le rêve. Il paraissait impossible que la terre fut autre chose que jardins, eaux, Architectures et attributs de la magnificence…

C’est ainsi j’allais distinguant des chapiteaux et des frises, des frontons triangulaires et des voûtes, confuses chatoyances de granit et de marbre. C’est de cette manière qu’il me fut accordé de montrer de l’aveugle empire des noirs labyrinthes à la resplendissante Cité. L’image qui se dévoila alors, était celle d’une ville immense, disons hardiment d’une infinité d’édifices, s’abîmant à perte de vue pour s’estomper d’eux-mêmes dans de merveilleuses profondeurs, en s’irisant au loin dans des splendeurs sans fin ! Elle paraissait bâtie de diamants et d’or, avec des dômes d’albâtre et des flèches d’argent, avec des étagements de terrasses éblouissantes se dressant haut dans les airs ; ici, de calmes et éclatants pavillons disposés en avenues ; là, des tours ceintes de créneaux qui figuraient comme jadis au temps de Dédale une métropole éternelle. J’en étais l’auteur… » L’Aleph /Jorge Luis Borges –  Extrait

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About the Author
Guidu Antonietti di Cinarca Architecte DPLG honoraire, né en 1950 à Ajaccio, Président d'Archipel Architectes Associés :