ÉTHIQUE-ESTHÉTIQUE

SEP
20
2012

l’Archipel mégalopolitain mondial

T R A N S F O R M A T I O N S    U R B A I N E S  ?

L’Art contemporain et l’ Espace urbain.
Des discours théoriques, des propositions artistiques .

Les productions artistiques contemporaines analysent les transformations urbaines au même titre que les textes théoriques qui leur servent de support. Confirmer des théories et valider des concepts à l’aide de plusieurs œuvres d’art, démontrer la valeur d’une production artistique au travers des théories sur les transformations urbaines. C’est ce que font certains artistes aujourd’hui. Architectes, Urbanistes, Sociologues, Artistes élaborant ainsi une critique du fait urbain.

Qu’en est-il ? On survolera ici ce très vaste sujet.


L’EXPANSION DES ESPACES URBAINS

L’espace urbain est devenu le cadre de vie d’une grande partie de la population du globe. Dans les années 60, seulement 10 % de la population mondiale habitait les villes. Aujourd’hui, plus de la moitié y vit. Cette urbanisation qui a connu depuis une cinquantaine d’années une très forte accélération est le cadre social de pratiques culturelles nouvelles. Les artistes contemporains s’en inspirent et y déploient leurs oeuvres.

Les parcours réels ou virtuels (ceux liés aux nouvelles technologies, ne les appelait-on pas dans les années 80 les autoroutes de l’information ? ) jouent un rôle essentiel dans la perception de l’espace urbain. Ils modifient les rapports entre les individus et l’espace qu’ils traversent. Vilem Flusser dit que le parcours permet d’expérimenter le monde. Il en a toujours était ainsi à pied ou à cheval en diligence. Puis depuis un siècle et demi des machines comme le train ou la voiture, ont instauré le parcours comme viatique de lecture, la compréhension des espaces urbain en a été modifiée. Ce temps cinétique, cet espace virtuel parcouru, interfère dans les formes urbaines. L’intrusion de ce visuel accéléré modifie la perception des lieux traversés mais aussi son fonctionnement et son usage. La ville territoire et ses virtualités urbaines revêt ainsi une autre forme qui s’étire vers une expansion jusqu’aux espaces suburbains. Le photographe Italien Gabrielle Basilico est un maitre pour témoigner de ces réalités si difficile à signifier .


DES THEORIES

Les paradoxes qui participent aux transformations urbaines et favorisent l’émergence de situations nouvelles (c’était le projet de l’Internationale situationniste ) servent de base aux discours de la morphologie urbaine, surtout s’ils s’ intéressent aux parcours et virtualités citadines.

Nous n’évoquons ici que quelques points de vue, ceux des auteurs qui occupent une place caractéristique comme Marc Augé, Augustin Berque, Manuel Castells, Vilem Flusser, Florian Rötzer, Saskia Sassen. Leurs textes analysant spécifiquement les transformations urbaines. En effet pour eux les espaces urbain parcours sont aussi des espaces virtuels qui n’existeraient pas intrinsèquement.

Tous ces auteurs permettent d’éclaircir un peu les imperceptibles transformations urbaines quand elles ne sont ni absolues ni univoques. Certaines analyses comme les non-lieux de Marc Augé, les global cities de Saskia Sassen, les propos technocratique sur la dislocation de l’espace urbain vers ses étirements suburbain peuvent paraître contradictoires. Cependant, ils participent conjointement à l’émergence de nouvelles formes, mais surtout de nouveaux usages urbains. Ces formes et ces usages sont hybrides et instables. Mais, en dépit d’approches nuancées, il faut admettre que il est parfois hasardeux de restituer des transformations urbaines parfois antinomiques dans toutes leurs complexités.


DES PRATIQUES ARTISTIQUES

The Legible City de Jeffrey Shaw comme Le Bus ou Pékin, pour mémoire de Jean-Louis Boissier mettent en forme des parcours d’espace virtuels. En questionnant immédiatement leurs limites ils proposent des sortes de lecture critiques des espaces urbains.

Les caravanes de Michael Asher, de Joep van Lieshout, de Vito Acconci et d’Andrea Zittel formulent d’incessantes interrogations sur les contradictions entre la mobilité des citadins et la fixité de leur habitat. Elles visent à décrire toute la difficulté à faire la part des évolutions de la sphère privée stable, et son articulation avec l’espace public précaire. Sorte de sociologie appliquée a l’instabilité urbaine, images d’un monde disloqué que devrait attester l’art contemporain.

Bien au contraire Rem Koolhaas revendique l’homogénéisation chaotique de l’espace urbain de façon planétaire, générique, dit-il, à travers le monde. Celle ci s’adapterait nécessairement aux besoins de l’économie globale. Ces Generic Cities et autres zones urbaines en transformation permanente et massive, comme The Pearl River Delta en Chine ou la conurbation de Lagos au Nigeria, seraient pour Koolhaas l’avenir urbain. Un chaos générique inéluctable, conséquence fatale du pouvoir de l’économique . Une approche urbaine antagoniste donc de la ville historique. Rotterdam reconstruite contre Amsterdam conservée.

IO_dencies de Knowbotic Research construit une œuvre qui implique simultanément différentes approches et interrogations sur l’urbanité et ses rapports avec l’espace virtuel. Le résultat n’est pas la description d’un nouvel espace urbain uniforme qui ne fonctionnerait que selon des critères préétablis. Pour le groupe Knowbotic Research, il ne s’agit pas de fixer de grandes lignes et d’exposer de nouveaux concepts des transformations urbaines, mais de créer des plates-formes, des outils et, selon leurs termes, des interfaces, entre différents éléments qui contribueraient à réformer et à transformer l’espace urbain.


DES COMPLEMENTARITES

Le regard porté par ces propositions artistiques complémentaire voire antagonistes sur l’espace urbain et ses métamorphoses éclaire la compréhension des mutations urbaines de l’Archipel mégalopolitain mondial, ce village planétaire, cher à Marshall Mac Luhan.

Cette nouvelle galaxie Guntemberg subjective inaugure de nouvelles approches, elles attestent d’évolutions non nécessairement antithétiques.

Les propositions artistiques que nous évoquons sont donc des machines opérationnelles paradoxales qui permettent d’aborder les lieux de la nouvelle urbanité. Elles tissent des liens entre des éléments concurrents et superposent plusieurs points de vue. Comme une construction de la ville collage elle s’assemblent en calques superposés. Instables, hétérogènes voire hybrides, certaines d’entre elles reflètent directement l’implosion de la ville historique disloquée par les avatars de l’économie mondialisée.

Elles acquiescent à une compréhension d’une réel nouveau, elles pourraient bien en en dépassant l’analyse investir directement l’espace urbain, à la façon des performances de Ilotopie. Comme la Mobile Linear City de Vito Acconci ou IO_dencies de Knowbotic Research, ces propositions juxtaposées sont aptes à créer des espaces d’actions possibles. Une façon utopique en quelque sorte de contester le rôle de l’économie globale, comme si l’Art toujours vivant anticipait la forme de la ville. Voilà de quoi rassurer les Architectes Urbanistes en quête de doctrine .

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Portait de Marshall Mc Luhan en 1974, Crédit:Yousuf Karsh/National Archives of Canada/PA-164279

Un site web passionnant sur L’Archipel mégalopolitain mondial =>http://marienaudon.free.fr/

Merci à Nathalie MAGNAN pour les nombreuses conversations «… du point de vue urbain… ! » qui ont inspiré cet article .

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About the Author
Guidu Antonietti di Cinarca Architecte DPLG honoraire, né en 1950 à Ajaccio, Président d'Archipel Architectes Associés :