La mâture de la mer est illusoire

 

 

 

Nous savons bien que sur la page le large tient par des ficelles
Nous prenons goût pourtant à bricoler sa démesure
Nous allons voir l’azur au cinéma,
les bougainvillées et les voiliers blancs
Nous aimons le masque de velours de la mer,
son uniforme de gala, et la tromperie de ses paupières fardées de bleu.
Nous aimons que la langue lui ressemble, avec ses mièvreries, ses stéréotypes et ses bouffissures
Nous aimons croire tenir la paume de l’horizon,
et cette ivresse d’y boire un peu pour ne pas rendre gorge
Nous sommes des résidus du ciel, d’anciens soupirs des dieux
Nous allumons des réverbères aux marches des palais
Et nous craignons tellement de mourir
que nous savons gré à la mer
de véhiculer notre angoisse sur l’énorme carrure de son bleu.

Jean-Michel Maulpoix