Détour par la Chine intérieure

Détour par la Chine intérieure

Sur la terrasse
d’un pavillon cossu, j’essaie de lire
par-dessus son épaule la lettre que le poète chinois
compose d’un pinceau habile pour un ami lointain
ou le mémoire qu’il rédige sur ce qu’il a noté
au cours de ses voyages dans les contrées du sud.
[…]
Lorsqu’il sort de son ermitage
pour contempler au bord du ravin
le clignement des lucioles, il me semble
être là encore, dans la nuit infinie
où sa méditation s’abîme, si proche que je crois
distinguer l’éclat de ses yeux dans la lueur
de la lune, entendre son raclement de gorge
et les mots qu’il marmonne entre ses dents,
là, à travers les âges incalculables superposés
à ma vie et les espaces sans borne qui me séparent
de lui et dont s’est merveilleusement abolie la distance.
Je me sens alors englué à la poussière du monde
et déjà picoté par le grain des mots à venir.
Empli de forces et de visions, je remonte enfin
chez moi : je vais écrire.

Jean-Pierre Chambon