Deleuze voyageur nietzschéen

TRIPTYQUE PHOTOGRAPHIQUE :NEW YORK 2008pour voyageur

Gilles Deleuze lisant Le Voyageur de Nietzsche sur une musique de Richard Pinhas

« Qui est parvenu ne serait ce que dans une certaine mesure à la liberté de la raison, ne peut rien se sentir d’autre sur terre que voyageur. Pour un voyage toutefois qui ne tend pas vers un but dernier car il n’y en a pas. Mais enfin, il regardera les yeux ouverts à tout ce qui se passe en vérité dans le monde. Aussi ne devra-t-il pas attacher trop fortement son cœur à rien de particulier. Il faut qu’il y ait aussi en lui une part vagabonde dont le plaisir soit dans le changement et le passage. Sans doute, cet homme connaîtra les nuits mauvaises où pris de lassitude, il trouvera fermée la porte de la ville qui devait lui offrir le repos. Peut être qu’en outre, comme en Orient, le désert s’étendra jusqu’à cette porte, que des bêtes de proie y feront entendre leur hurlement, tantôt lointain, tantôt rapproché, qu’un vent violent se lèvera, que des brigands lui déroberont ses bêtes de somme. Alors, sans doute, la nuit terrifiante sera pour lui un autre désert, tombant sur le désert, et il se sentira le cœur las de tous les voyages.

Dès que le soleil matinal se lève, ardent comme une divinité polaire, que la ville s’ouvre, il verra peut-être sur les visages de ses habitants plus de désert encore, plus de saleté et de fourberie et d’insécurité que devant les portes. Et le jour, à quelque chose près, sera pire que la nuit. Il se peut bien que tel soit à quelque moment le sort du Voyageur. Mais pour le dédommager viennent ensuite les matins délicieux d’autres contrées, nés des mystères du premier matin. Il songe à ce qui peut donner au jour entre le 10e et le 12e coup de l’horloge, un visage si pur, si pénétré de lumière, de sereine clarté qui le transfigure. Il cherche la philosophie d’avant midi. »

Wikipédia : Vocabulaire nietzschéen
Nietzsche inverse la pratique linguistique du philosophe : là où le philosophe emploie un vocabulaire spécifique sous lequel on ne retrouve qu’une pensée populaire (la morale d’une époque, d’un peuple), Nietzsche emploie peu son propre vocabulaire, et s’exprime d’une manière littéraire en apparence accessible, manière qu’il lui arrive de traduire dans ses propres mots.


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